Vision globale et empathie
"Si vous, humains, ne parvenez pas à éradiquer le cancer, c'est que votre science est dépassée. En ce qui concerne le cancer, votre manière d'analyser vous aveugle. Vous ne voyez le monde que d'une seule manière : la vôtre. Parce que vous êtes prisonniers de votre passé. A force d'expérimentations, vous êtes parvenus à guérir certaines maladies. Vous en avez conclu que seule l'expérimentation pouvait venir à bout de toutes les maladies. Je l'ai vu dans vos documentaires à la télévision. Pour comprendre un phénomène, vous le mesurez, vous le rangez dans une case, vous le répertoriez et vous le découpez en morceaux de plus en plus petits. Vous avez l'impression que plus vous hachez menu, plus vous vous approchez de la vérité.
Pourtant, ce n'est pas en découpant une cigale en morceaux que vous découvrirez pourquoi elle chante. Ce n'est pas en examinant dans vos loupes les cellules d'un pétale d'ochidée que vous comprendrez pourquoi cette fleur est si belle.
Pour comprendre les éléments qui nous entourent, il faut se mettre à leur place, dans leur globalité. Et de préférence tandis qu'ils sont encore vivants. Si vous voulez comprendre la cigale, tâchez de ressentir pendant dix minutes ce que peut voir et vivre une cigale. Si vous voulez comprendre l'orchidée, essayez de vous sentir fleur. Mettez-vous à la place des autres, plutôt que de les couper en morceaux et de les observer depuis vos citadelles de connaissances.
(...) Votre science classique est dépassée. Votre passé vous empêche de voir votre présent. Vos réussites d'antan vous empêchent de réussir maintenant. Vos gloires anciennes sont vos pires adversaire. (...) Pour vous, tout est du pareil au même. Puisqu'on est parvenu à vaincre le choléra d'une certaine manière, on parviendra à vaincre le cancer en usant des mêmes procédés."
Werber Bernard, Le jour des Fourmis, Edition Albin Michel, 1992.